Les fêtes sont passées…

Pour l’équipe et les personnes que nous accueillons la période de Noël et du Réveillon de nouvelle année n’est pas toujours synonyme de fête.

Pour les résidents, elle est source de mal-être profond car elle leur renvoie tout ce qu’ils n’ont pas ou n’ont plus. Famille, Amis, pouvoir d’achat, ils n’ont rien de tout ça et sont confrontés à cet étalage dont ils sont privés.

Pardon, j’oubliais la prime de Noël pour les bénéficiaires du RSA ! Je suis mauvaise langue…

Pour l’équipe, il faut gérer un groupe de 70 personnes en grande souffrance pour la majorité, où les risques de violence sont amplifiés par la période et le besoin de présence est encore plus grand.

 

Pierre nous dira lors d’une discussion, après l’avoir surpris en train de consommer de l’alcool au milieu de tous le 24 décembre, qu’il n’en peut plus car il va passer Noël loin de ses enfants pour la première fois de sa vie… Il est fortement alcoolisé et divague. Nous prenons soin de l’écouter, de l’avertir qu’il sera exclu s’il recommence, et nous le mettons en garde sur son état et ses relations avec les autres au cours de la soirée.

Nous ne voulons pas en rajouter à sa souffrance en le rejetant à la rue par une exclusion. Mais, l’équipe sait qu’il va falloir le surveiller, car, au bout du rouleau, il peut prendre à parti d’autres résidents également à fleur de peau. C’est souvent comme ça que la violence survient et nous le savons. Nous nous interrogeons en permanence : Faut-il préserver un seul individu au détriment du collectif ou bien l’inverse ? Ces décisions ne sont pas faciles à prendre car lourdes de sens et de conséquences. C’est ce qui rend très difficile l’accueil en Centre d’Accueil d’Urgence. C’est notre expérience et savoir-faire qui nous font choisir l’une ou l’autre des solutions.

 

Un autre exemple… Ali est dans l’urgence depuis plusieurs années, avec des hauts et des bas dans son parcours pour sortir de la rue. Ali est en grande souffrance, passe d’un état où il explique être seul et que personne ne fait rien pour lui, à un état où il dit n’avoir besoin de personne et ne supporte pas qu’on le conseille ou que l’on se souci de lui. Il a fait différents séjours à Trégey. Il est même passé par le CHRS des Capucins. Il s’est fait souvent exclure car il boit et ne supporte plus rien ni personne et il se bagarre régulièrement sur les centres.

Lors de son dernier accueil le 28 décembre, il est arrivé sous pression, en grande souffrance, une vraie cocotte minute. J’ai passé plus de 30 minutes en entretien avec lui pour rediscuter de son dernier accueil où il s’était fait exclure. Monsieur s’accroche à une formation mais n’en peut plus, passe des larmes à la colère. Il dit être une victime persécutée par les autres. Il me dit qu’il se bagarre car il doit le faire, en indiquant que la rue est violente et qu’il faut se protéger. Il me dit également qu’il lui reste peu de fierté alors il ne va pas se laisser agresser par les autres sans répondre. Le soir du réveillon, j’ai discuté un moment avec lui dehors. Il m’a dit qu’il avait passé Noël dehors, tout seul, et qu’il était content d’être à Trégey pour le réveillon. Il est alcoolisé, mais parait posé. Il tire le bilan de 2015 et renvoie que c’est encore une année dans la galère et espère vraiment pour 2016 sortir de la rue. Lorsque je suis revenu le lundi, j’ai appris qu’il s’était fait exclure suite à une bagarre qu’il avait déclenchée plus tard dans la soirée avec un autre résident. Je ne sais pas si c’est 2015 qui se fini mal ou 2016 qui commence mal, mais je sais qu’Ali n’est pas sorti de l’auberge.

 

J’ai choisi ces 2 exemples mais ils sont nombreux… Tous les résidents de Trégey ont vécu des traumatismes et souffrent de leur situation d’exclusion. Cette année, nous avions fait le choix de renforcer l’équipe et je suis certain que cela a participé à un climat plus serein et nous n’avons eu à gérer qu’une seule bagarre, ce qui est beaucoup mieux que l’année dernière.

Je remercie encore l’équipe pour le travail de bienveillance dont elle fait preuve chaque jour.

« Les fêtes » de fin d’années sont passées… et je vous souhaite à tous une très belle année 2016 !!

JE SOUTIENS LE DIACONAT